Innovation à bride abattue: comment des implants métalliques imprimés en 3D viennent au secours des chevaux de course

Une collaboration entre la Clinique de Grosbois de renommée internationale et le bureau d’études français 3D Medical fait progresser la médecine équine

Les fractures de l’encolure et des vertêbres par suite d’une chute à grande vitesse sont l’une des causes de blessures les plus courantes chez les chevaux de course. Chaque année, de nombreux chevaux de course se retrouvent en banlieue sud de Paris pour être traités par un vétérinaire équin innovant, le docteur Fabrice Rossignol, et son équipe de la Clinique de Grosbois de renommée mondiale.

Les fractures de l’encolure chez le cheval peuvent être stabilisées à l’aide d’une combinaison de vis de compression de fabrication classique, par laminectomie dorsale ou par fusion cervicale ventrale à l’aide de «paniers» qui sont des cages cervicales cylindriques filetées. L’arthrodèse cervicale, c’est-à-dire la fusion de deux ou plusieurs os d’une articulation, peut être pratiquée sur un cheval souffrant d’une fracture de l’encolure (ou d’un déplacement de vertèbres), d’une instabilité ou d’un mauvais alignement des cervicales. Traditionnellement, la chirurgie consiste à implanter des plaques de compresssion à verrouillage, dites «LCP» (pour locked plate implant).

Cependant, très peu de tentatives opératoires, comme l’arthrodèse, sont pratiquées sur les chevaux du fait qu’elle s’avèrent souvent inopérantes pour les blessures graves. Jusqu’il y a une dizaine d’années, il était courant qu’un cheval atteint d’une fracture de l’encolure soit enthanasié, quelquefois dans les heures qui suivent, sachant qu’il serait ensuite difficile de réhabiliter l’animal, en particulier en cas de fracture ouverte.

Les chevaux de course ne sont pas des animaux qui peuvent rester allongés pendant des mois et il est presque impossible de les immobiliser. En outre, le coût d’une opération et de la convalescence est souvent très élevé, ce qui malheureusement motive la décision de certains propriétaires.
L’expertise en impression métallique 3D était à deux pas de là

Dès 2017, face à certaines restrictions d’emploi des implants de fabrication conventionnelle, Fabrice Rossignol, avec son confrère Martin Genton, chirurgien à la clinique, et sa consœur Arian Campos, interne de troisième année, ont commencé à étudier les possibilités de l’impression métallique 3D (souvent appelée «fabrication additive») appliquée à la médecine équine et, en particulier, aux cas de fractures cervicales.

Dans ce contexte, le Dr Rossignol commença à rechercher des partenaires potentiels qui possèderaient une expertise de la fabrication additive pour l’aider à concrétiser ses idées et sa vision. Il n’eut pas à chercher bien loin puisque Vincent Nuttens, PDG de 3D Medical (l’un des principaux bureaux d’études français spécialisés dans la fabrication additive) et son équipe, dont le concepteur de la solution, Kevin Giffoni, sont installés à moins de deux kilomètres de la ville voisine de Marolles-en-Brie.

«En dépit du caractère très spécial de ma demande et de mon domaine d’activité − se rappelle le Dr Rossignol − Vincent et son équipe n’ont pas hésité à m’accorder leur soutien pendant la phase d’expérimentation, à investir dans la recherche et dans la mise au point finale de la solution additive métallique que nous avons aujourd’hui. Tout comme moi, il s’est impliqué avec enthousiasme dans l’innovation et sur le long terme.»

«Après avoir discuté avec Fabrice et appris l’absence de solutions satisfaisantes pour les chevaux blessés, j’ai su que nous allions être capables de trouver une solution grâce à la fabrication additive. Nous avons débouché sur un nouveau type de prothèse qui améliore la guérison et qui, nous l’espérons, va améliorer l’issue pour le plus grand nombre d’animaux possible» ajoute Vincent Nuttens.
La fabrication métallique additive au secours de la chirurgie équine

Pendant l’opération, le cheval est anesthésié et placé sur un hamac et immobilisé. La fracture est stabilisée à l’aide d’une plaque et de vis spongieuses imprimées 3D pour ponter les vertèbres et, selon le cas (et les vertèbres touchées), une petite cage imprimée 3D en titane est appliquée dans l’espace discal ventral. Des vis spongieuses ou corticales peuvent parfois être associées aux vis verrouillées pour compresser le fragment fracturé.

L’avantage de cet assemblage réside dans le fait que l’entretoise intervertébrale imprimée 3D en titane qui est utilisée pendant l’opération exploite la force de compression pour conserver l’espace intervertébral et ainsi éviter la perforation du canal médullaire par le disque et le déplacement ventral de la vertèbre caudale.

La forme de la plaque permet de placer trois vis dans chaque vertèbre. En outre, les implants en alliage de titane se sont avérés permettre une meilleure ostéo-intégration que les implants en acier et, contrairement aux méthodes d’usinage classiques, l’impression 3D permet de créer des motifs poreux qui facilitent la croissance osseuse à travers la cage et la fixation de l’os sur celle-ci.

Enfin, étant autotaraudeuses et en partie autoperceuses, les vis utilisées permettent un ancrage maximal (à proximité du canal médullaire) tout en réduisant le risque de perforation pendant le perçage ou le taraudage. D’après l’expérience du Dr Rossignol, la pause d’un drain de Redon limite ce risque. La désinsertion ou l’arrachement des vis peuvent survenir, mais seraient davantage liés à des erreurs techniques ou associés à un défaut de contact entre la plaque et la surface osseuse.

«Les trois principales caractéristiques et avantages de l’implant métallique 3D sont la précision de l’impression à façon et sa résistance aux forces et au poids (un cheval pèse beaucoup plus lourd qu’un humain), ainsi que la mobilité postopératoire de l’animal», ajoute le Dr Rossignol.

L’intervention s’effectue sous contrôle radiographique ou fluoroscopique. Peu de complications sont notées. Les plus courantes sont l’apparition d’un sérome et la désinsertion des vis. Les séromes répondent en général très bien à un traitement conservateur.

Une telle méthode d’arthrodèse cervicale est applicable en cas de traumatisme, mais aussi en cas de défaut d’alignement.
Repos et rétablissement

En période postopératoire, les chevaux sont laissés libres au box pendant 1 mois, puis progressivement réhabilités par de la marche en main, au marcheur et des mises au paddock, jusqu’à une remise progressive en activité entre le cinquième et le huitième mois, après un contrôle clinique et radiographique.
Transfert de connaissances et extension du business model

Selon Vincent Nuttens, «l’impression métallique 3D nous permet d’être beaucoup plus inventifs, de sauver la vie de nombreux chevaux. La fabrication additivie nous a ouvert un nouveau marché. Nous vendons maintenant ces pièces en Suisse, aux États-Unis et en Australie».

Le principal centre d’intérêt de 3D Medical reste le marché de l’ostéo-intégration pour le patient humain. La société a débuté en fabriquant des implants orthopédiques pour une clientèle internationale. Aujourd’hui, elle fabrique plusieurs milliers d’implants par mois.

«Nous travaillons aussi en partenariat avec l’hôpital de la Pitié-Salpètrière à Paris. Notre principal apport dans cette collaboration est que nous sommes capables d’offrir un délai de dix jours entre le moment où le chirurgien et le patient décident de l’intervention et celui où nous livrons la pièce à façon», précise Vincent Nuttens.
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